Les financiers de l’esclavage
Samuel Bernard (1651-1739), d’une famille d’artistes d’origine hollandaise (son père est peintre), et de confession israélite, est né à Sancerre (Cher).
Il commence sa carrière comme grossiste en tissus de luxe à Paris en 1676.
Ambitieux, il délaisse bientôt ce commerce, d’une rentabilité trop limitée à son goût, pour celui de l’argent.
Il y excelle par le réseau de confiance qu’il tisse à travers l’Europe.
Bien vite, Samuel Bernard devient le banquier du Trésor, c’est à dire du roi.
Plus d’une fois, Louis XIV sera obligé de s’humilier personnellement devant Bernard pour obtenir un prêt, ce qui donne au financier une influence à la mesure du mépris que voue la noblesse aux gens de finance. Un mépris évidemment mêlé d’antisémitisme.
D’où une réflexion de Saint-Simon : J’admirais, et je n’étais pas le seul, cette espèce de prostitution du roi, si avare de ses paroles, à un homme de l’espèce de Bernard.
Avec le plus grand cynisme, Samuel Bernard a compris très tôt que la culture aux Antilles du sucre de canne, financée par la mise en esclavage et la déportation en masse des Africains, serait l’affaire du siècle. C’est ainsi qu’il a fait fortune en plaçant ses capitaux dans la traite et en finançant nombre d’expéditions.
Il fait peu de doute que Samuel Bernard a joué un rôle très important dans la politique esclavagiste de Louis XIV qui amènera à la déportation de plus d’un million d’êtres humains.
Bernard, très friand de reconnaissance sociale, fut anobli en 1699. Devenu « comte de Coubert » en 1725, il aménagea luxueusement les châteaux qu’il fit restaurer dans le style de l’époque et il se fit construire un somptueux hôtel particulier dont l’entrée, ornée de ses initiales, est encore visible à Paris, sur la façade du 46 rue du Bac.
Vers 1876, les boiseries de cet hôtel, en partie détruit par le percement du boulevard Saint-Germain, ont été installées par Edmond de Rothschild dans son hôtel de Pontalba, 41 rue du Faubourg-Saint-Honoré, le plus bel hôtel particulier de Paris, devenu la résidence privée de l’ambassadeur des États-Unis.
Antoine Crozat (1655-1738), originaire de Toulouse, fils de banquier, entra très jeune dans la finance et racheta en 1675 à Madame de Maintenon, alors qu’il n’avait que 20 ans, le monopole du tabac (cadeau de Louis XIV fait l’année précédente à sa favorite, fille d’un colon esclavagiste de la Martinique autoproclamé gouverneur de Marie-Galante).
Pour réaliser à très court terme un profit maximum, Crozat et ses associés imposèrent un prix d’achat très faible aux petits planteurs de tabac (qui n’avaient pas besoin d’esclaves) – ce qui les ruina, les contraignant à revendre leurs terres aux sucriers -et un prix très élevé aux consommateurs de France, ce qui poussa ces derniers à renoncer à « pétuner » (le tabac était à la fois fumé et prisé).
Avec ce profit, Crozat investit massivement dans l’industrie sucrière et négrière à qui il avait ouvert la route, tout en faisant fortune.
En prenant la tête en 1701 de la Compagnie de Guinée, Crozat devint la cheville ouvrière de la traite et de l’esclavage français, en association avec les armateurs nantais Grou, Gabriel et Michel.
C’est Crozat qui prit la décision, validée par Louis XIV, de miser sur le développement de la colonie de Saint-Domingue. Il est à l’origine de la déportation dans cette île de centaines de milliers d’Africains et de la mort de millions d’autres.
Crozat obtint du roi en 1712 le privilège d’exploiter la Louisiane et il y développa l’esclavage.
Crozat devint ainsi l’un des hommes les plus riches d’Europe.
Paradoxalement, c’est Crozat qui fit aménager le somptueux hôtel d’Évreux, place Vendôme à Paris, devenu en 2012 le bureau du ministre de la Justice Christiane Taubira, qui fit voter en 2001 une loi déclarant l’esclavage crime contre l’humanité.
5 réactions au sujet de « Les financiers de l’esclavage »
Dear reader,
in your information about him you say that he was born in Sancerre. On the URL:
https://familysearch.org/search/record/results?count=75&query=%2Bgivenname%3Asamuel%20%2Bsurname%3Abernard%20%2Bbirth_year%3A1651-1651~%20%2Bfather_givenname%3ASamuel~%20%2Bmother_givenname%3AMadelaine~%20%2Bmother_surname%3A%22Le%20queux%22~
you have the proof that he was born in Paris on 28-11-1651 and baptized on 3-12-1651 in Paris.
I also have not found any proof for him being of Dutch origin.
Kind regards, Olav (Netherlands)
Antoine Crozat est apparemment issu d’une famille protestante convertie au catholicisme sous louis XIV. J’aimerais bien avoir une analyse sur la place des protestants dans la traite.
Nantes, de loin premier port de France pour le commerce triangulaire, était une ville protestante avant la révocation de l’Edit de Nantes par louis XIV. Bordeaux, 2ème port, a été très tôt fortement protestante (une sanglante histoire).
LOI TAUBIRA – LES DESSOUS D’UNE LOI
La commission des lois travaille sur le projet de ce que deviendra la « loi Taubira ». Le « hic » de la chose? Si la loi dit « crime contre l’humanité », elle dit « imprescriptibilité » et des réparations sont dues imprescriptiblement. Et ça risque de faire cher. Combien? Beaucoup. Des petits papiers « presque imaginaires » vont et viennent entre la Garde des Sceaux, Madame Guigou, et le Ministre des Finances, DSK.
-Peut-on envisager des réparations et les chiffrer?
-Non
-Définitivement non?
-Définitivement non.
-Peux-tu me suggérer un argument?
-Débrouille-toi! C’est ton affaire, j’assumerai.
Et, en séance de la Commission , ça deviendra dans la bouche de la Garde des Sceaux: « Pas de réparations. Ce serait trop compliqué »
Je complète le propos de Peter Lema en allant jusqu’au bout. Mme Taubira, selon moi, a manipulé la communauté des A.D.A car dès le départ elle s’est entendu avec les descendants des bourreaux, représentés par le PS de Jospin et de sa gauche plurielle, pour présenter une loi sur un crime et un génocide multiséculaire sans les indispensables Réparations !
Il ne fallait donc pas s’étonner qu’une fois au pouvoir, même à un poste très stratégique, elle ne défende aucunement la cause des A.D.A mais fasse des prodiges pour la cause d’une minorité bourgeoise déjà protégée par le système.
Il ne faut pas s’étonner du refus de la communauté des ADA de se laisser à nouveau manipuler par cette femme pour venir au secours d’un gouvernement qui pratique chaque jour la négrophobie à visage découvert !
Passionnant ! Il est instructif de rappeler que si les propriétaires terriens des Amériques ont bâti leur fortune sur le travail des esclaves, en amont, et en Europe, se trouvaient les responsables initiaux, qui n’ont jamais eu à faire face à leurs responsabilités dans ce goulag de plusieurs siècles..