La Vénus hottentote (1789-1815)
Celle qui est connue en France sous le surnom (qui se voulait bien entendu ironique) de Vénus Hottentote est née esclave dans l’actuelle Afrique du Sud aux alentours de 1789.
Son « maître » l’emmène à Londres en 1810 où, sous le nom de Saartjie Baartman, elle devient une attraction foraine du fait de sa morphologie dont on disait qu’elle était peu courante en Europe au niveau du bassin et du bas-ventre (ce qui n’a pu être vérifié puisque aucune femme européenne n’a été ainsi exhibée).
Après avoir été exposée nue en Grande-Bretagne et en Hollande, au profit d’hommes qui tirent parti de son physique auquel était censée correspondre une prétendue sauvagerie, elle suscite l’étonnement dans la France de Napoléon où le racisme « scientifique » est officiellement encouragé.
En mars 1815, Geoffroy Saint-Hilaire, professeur de zoologie au muséum d’histoire naturelle, décide de l’examiner, voyant en elle le spécimen d’une nouvelle « race » et conclut, bien qu’elle parle plusieurs langues que lui-même ignore, qu’elle s’apparenterait aux singes et aux orangs-outangs.
Exploitée sexuellement et prostituée par le montreur d’animaux exotiques Réaux, Saartjie commence à boire.
Après sa mort, à Paris en décembre 1815, Cuvier, au nom de l’État et de la science, va prendre possession du corps. Il le disséquera et aboutira à des conclusions étranges : Saartjie serait la preuve de l’infériorité de la « race » nègre et du fait que les Égyptiens de l’Antiquité, quelle que soit la couleur de leur peau, étaient bien de la même « race » que les Français (on spéculait beaucoup sur l’Égypte ancienne dont la magnificence de la civilisation posait problème depuis l’expédition menée en 1798 par Bonaparte).
Un moulage en plâtre du corps de Saartjie et son squelette, prétendues preuves de la supériorité de la « race blanche » seront exposés jusqu’en 1974 au musée de l’homme à Paris.
En 1994, après la fin de l’apartheid, le président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, demandera à la France la restitution de la dépouille de Saartjie, mais il s’opposera à un refus formulé, sous la pression des scientifiques français, au nom du principe selon lequel elle aurait appartenu à l’État.
Il faudra le vote d’une loi spéciale en 2002 pour que le corps de la « Vénus hottentote » retourne en Afrique du Sud pour y être inhumé, en présence du président Thabo Mbeki, après la crémation rituelle propre aux coutumes de la région où elle était née.
Cuvier et Geoffroy-Saint-Hilaire sont restés des références dans l’histoire des sciences et ont donné leur nom à deux rues parisiennes, proche du muséum d’histoire naturelle où Saartjie fut examinée puis disséquée.
En 2010, Abdellatif Kechiche a consacré à cette histoire, sous le titre Venus noire, un film dérangeant.
Voici le texte de la loi, unique en son genre, votée au printemps 2002 et promulguée par Jacques Chirac, qui reconnaît implicitement que le corps de Saartjie Baartman a pu légalement appartenir pendant 212 ans à la République française :
Article unique
A compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, les restes de la dépouille mortelle de la personne connue sous le nom de Saartjie Baartman cessent de faire partie des collections de l’établissement public du Muséum national d’histoire naturelle.
L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai de deux mois pour les remettre à la République d’Afrique du Sud.
4 réactions au sujet de « La Vénus hottentote (1789-1815) »
Je crois que les Américains aussi auraient des choses à nous rendre. Et que les musées français nationaux ont bien chipé des oeuvres à des régions françaises. On ne va pas en finir.
Combien d’autres « objets » à rendre à leur(s) peuple(s) qui se trouvent dans les caves et pièces empoussiérées des musées de France, et aussi dans leurs vitrines astiquées… Comme ces « masques » bamiléké que tout habitant de l’ouest du Cameroun reconnaît immédiatement comme n’étant pas du tout à leur place… Mais comme devant être retiré de la vue du « commun des mortels ».
Et toutes ces momies, les cadavres, les dépouilles, les corps d’hommes et de femmes retirés des leurs sépultures par des sauvages aidés d’hommes en armes, qui les ont, elles aussi, disséquées, dépecées, désossées pour ensuite nous faire croire que Tut Ankh Ha Mon était blond aux yeux bleus (la dernière trouvaille du logiciel des égyptologues, qui ont enfournée dans leur ordinateur des données dignes des égyptologues de Napoléon).
Que dirait-on si des « francologues » africains venaient déterrer et disséquer les corps des « saints » et autres rois et reines de France des églises où ils reposent ? Ne dirait-on pas qu’ils agissent comme des sauvages ?
N’est-il pas temps que tous ces mensonges et usurpations soient exposés au grand jour ?
Une Autre Histoire y joue sa part. Merci !
Oui, ne peut-on pas laisser tous ces peuples tranquilles ? Moi « blanche » et française, j’ai honte de ces pratiques racistes sous couvert d’archéologie ou d’anthropologie. On ferait bien mieux d’aider tous les malheureux du monde entier et fabriquer des médicaments pour soigner ceux qui n’en ont pas les moyens.
Les commentaires sont égals à Bab El Web : à desepérer de l’humanité.
Ce sont des personnes décédés, pas des objets, justement si les Saints où dépouilles de personne historique, comme elle, vous sont contesté pour de motif pseudo culturel mais vraiment ségrégationniste : mais qu’elle serait votre émoi?
Le même! Tout simplement parce que c’est humain!
La restitution des Têtes Tatouées Maori a été contesté à Rouen, il a fallu l’acharnement de 2 maires, pourtant c’est important car si ces têtes sont tatouées c’est parce que c’étaient leurs chef de clan, ces tatouages sont leur histoire!
Ils y a des défunts à restituer au quai Branly, apprécier les Culture Tribales, claniques, n’est pas leur contester leur défunt sur motif que la curiosité justifierait le trafique de cadavre!
Ce trafique de cadavre a permis des meurtres, déjà dès le 19° avec le massacre d’arborigènes Australiens pour alimenter les « collections humaines » et pas seulement Allemandes ou Néederlandaises ou Anglaises, ou Autrichiennes, la France aussi.
Et il y a eu des trafiques d’organes pour des démostrations racistes aussi pendant la shoa : les « aliénés de Hadamar » en France à Hoerdt ou Rouffach, ils ont été DONNÉS aux Nazi! DONNÉS par les médecins Français, pour d’autre malgré les fermes dans les asiles, ce fut la mort par la faim, il suffisait de s’engueuler avec ses parents ou d’être en surmenage ou être considéré comme différent pour être un « aliéné », il y en a des célèbre : Camille Claudel, Toulouse Lautrec, Paul Éluard et son poème « le cimetière des fous » (Asile de Saint Alban en 1943)
je le cite :
« Le cimetière des fous
Ce cimetière enfanté par la lune
Entre deux vagues de ciel noir
Ce cimetière archipel de mémoire
Vit de vents fous et d’esprit en ruine
Trois cents tombeaux réglés de terre nue
Pour trois cents morts masqués de terre
Des croix sans nom corps du mystère
La terre éteinte et l’homme disparu
Les inconnus sont sortis du prison
Coiffés d’absence et déchaussés
N’ayant plus rien à espérer
Les inconnus sont morts dans la prison
Leur cimetière est un lieu sans raison
(Asile de Saint-Alban, 1943)
Paul Eluard
la fresque «La Vie la nuit»
(La Lit la table, 1944) »
Raison du documentaire éponyme de 2004 par Arnaud Gobin et Monique Seeman qui le dit à Hadamar ce sont des Français donnés par des Français : pour élaborer les chambres à gaz de la solution finale…
Et d’un autre côté les médecins Juifs étaient cachés en les prétendant « aliénés » comme à Cadillac en Gironde dont beaucoup de communistes et des maquisards, les juifs disaient : « «Moi, je ne suis pas un fou, les fous vont être persécutés, moi, je suis juif.» Qui est fou, qui ne l’est pas ? » Cf cet article sur le Dr Tosquelles http://www.liberation.fr/france/2016/08/01/quand-le-dr-tosquelles-rencontre-eluard-a-saint-alban_1469744