1848 : la blessure du nom
Après l’abolition de l’esclavage, au printemps de 1848, les anciens esclaves se virent dans l’obligation de faire enregistrer un nom de famille au bureau de l’état-civil de chaque mairie.
Dans la pratique, les commis de l’état civil – des Européens pour la majorité – profitèrent du fait que les esclaves étaient généralement illettrés pour attribuer à certains d’entre eux, souvent avec la complicité des anciens maîtres désireux de se venger, des noms parfois dégradants, injurieux ou saugrenus.
Les affranchis victimes de cette discrimination sournoise étaient bien évidemment ceux qui avaient le plus résisté à l’esclavage.
Plusieurs milliers – voire plusieurs dizaines de milliers – d’anciens esclaves furent ainsi affublés, à leur insu, de noms difficiles à porter.
En outre, les commis s’arrangèrent souvent pour que les noms des anciens esclaves – même s’ils n’étaient ni odieux ni dégradants – ne puissent être confondus avec ceux de la métropole, de sorte qu’au-delà de l’abolition, la descendance des esclaves affranchis puisse être facilement identifiée.
Cette blessure identitaire, généralement passée sous silence, concerne au début du XXIe siècle environ 70 000 Français de l’Outre-mer.
Beaucoup d’entre eux engagent discrètement, chaque année, des procédures de changement de nom, auprès du ministère de la Justice.
La procédure, longue, compliquée – et psychologiquement difficile – n’a jamais été facilitée en aucune manière pour les originaires d’Outre-mer (bien au contraire) et aucune personnalité politique n’a jamais osé aborder ce sujet.
Pourtant, la blessure du nom est une conséquence directe et bien contemporaine de l’esclavage.
bibliographie : Philippe Chanson La blessure du nom éditions Academia Bruylant, Louvain, Blegique
Une réaction au sujet de « 1848 : la blessure du nom »
Tout ça me fait penser à la liste dans laquelle il faut cocher quand on refait son passeport et qui rappelle aux « Français naturalisés » qu’ils sont poursuivis par leur « origine » même après être devenus français. (Je précise que tel n’est pas mon cas, mais je connais des gens dans ce cas et cela me choque).
Pourquoi ? Quel besoin a-t-on de constamment leur rappeler qu’ils sont devenus français, alors que le droit du sol est censé s’appliquer ? Pourquoi certaines définitions semblent-elles se rapprocher du droit du sang ?
Pour quelles circonstances futures met-on « de côté » ces informations, qui ne devraient plus pouvoir être collectées une fois qu’on est français ?