Madame de Maintenon (1635-1719)
Françoise d’Aubigné, qui sera appelée plus tard Madame de Maintenon, est née le 25 novembre 1635 à la prison de Niort où son père, Constant d’Aubigné, un aventurier protestant qui avait assassiné sa première femme et qui était familier de la détention, était incarcéré pour dettes.
Jusqu’à l’âge de dix ans, elle suit son père, compagnon de Pierre Belain d’Esnanbuc , dans ses pérégrinations coloniales. Elle séjourne ainsi avec ses parents à Saint-Christophe, à la Martinique et surtout à Marie-Galante dans une plantation esclavagiste que Constant d’Aubigné y a créée. De ce fait, la future Madame de Maintenon sera élevée dans le principe du préjugé de couleur et de la violence envers les Africains.
De retour en France et ayant perdu ses deux parents, elle se retrouve dans un complet dénuement. Une de ses tantes la met de force au couvent et la contraint à abjurer le calvinisme. On la marie, à seize ans, en 1651, au poète Scarron (de 36 ans son aîné) : un religieux défroqué, libertin , contrefait, qui mène grand train. Scarron était paralysé pour s’être jeté, ivre, dans la Seine glacée, un soir de carnaval. Couché en Z, ne se déplaçant que sur un fauteuil roulant, il était néanmoins amateur de femmes, et on peut l’imaginer libineux d’après le célèbre portrait qui nous en reste (ci-dessous). Françoise d’Aubigné avant l’avantage – outre son indéniable beauté – d’être la petite-fille d’un autre poète, Agrippa d’Aubigné. Elle était parfaitement inculte, mais il est probable qu’il fut distrayant, pour Scarron, de devenir son Pygmalion et de l’éduquer, sur tous les plans.
La future « dévote », au temps où, n’étant que Madame Scarron, elle exhibait ses charmes et, sans doute, n’hésitait pas à en user.
Françoise d’Aubigné, nostalgique des colonies et probablement désireuse d’y retourner, incite son mari à investir dans le commerce colonial esclavagiste.
Paul Scarron (1610-1660)
Scarron, grand consommateur d’opium, tient salon dans son hôtel du Marais (56 rue de Turenne) et, grâce à ses relations, son épouse se trouve en contact avec de nombreux auteurs gravitant dans l’orbite du courant de pensée dit des « libertins » (libre-penseurs) et de Pierre Gassendi, dont La Peyrère et François Bernier, qui jettent les bases des théories polygénistes et racistes qui allaient prospérer au siècle suivant.
Veuve en 1660, François d’Aubigné obtient neuf ans plus tard de Madame de Montespan, maîtresse du roi Louis XIV, la charge officieuse de gouvernante des bâtards royaux qui étaient élevés secrètement dans une propriété du village de Vaugirard.
Ce poste de confiance, exigeant une extrême discrétion, va lui permettre, à partir de cette année 1669, de côtoyer le roi, qui vient souvent visiter ses enfants.
Il n’est pas hasardeux de penser que Madame de Maintenon a été mêlée, dans le cadre de ses fonctions, à l’affaire de la Mauresse de Moret (fille de la Reine ou plus probablement du roi Louis XIV). Il est établi qu’elle viendra souvent la visiter par la suite au couvent de Moret-sur-Loing. Elle assistera même à sa prise de voile, comme l’atteste une lettre signée de sa main en date du 30 septembre 1695 :
« Je donnerai, un de ces jours, le voile à une maure qui désire que toute la cour soit à la cérémonie; je proposais de le faire à porte fermées; mais on nous a dit que ce serait une nullité à ces voeux solennels; il faudra se résoudre à voir rire le peuple. »
Madame de Maintenon, élevée aux colonies, va attirer l’attention du roi sur l’intérêt du commerce transatlantique. Ce n’est sans doute pas un hasard si, en 1670, le roi décide d’encourager la traite par des primes versées aux négriers.
En 1673, les bâtards royaux étant légitimés, la veuve Scarron peut s’installer à Versailles.
En 1674 – et bien avant peut-être – elle devient la maîtresse du souverain, ayant eu l’habileté de jouer les prudes effarouchées.
Pendant cette période, Françoise d’Aubigné-Scarron fait des affaires, de toute évidence avec le soutien de son royal amant.
Après la dissolution de la compagnie des Indes, elle acquiert en 1674 le monopole de la perceptions de droits fiscaux sur la culture du tabac aux Antilles.
Elle revend avec un grand profit cette ferme du tabac à un groupe de financiers dont Antoine Crozat qui réalisera bientôt un plus grand profit encore en ruinant les planteurs et en développant la culture esclavagiste du sucre.
Grâce au bénéfice réalisé, Françoise d’Aubigné-Scarron achète la terre et le titre de marquise de Maintenon à la veuve de Charles-François d’Argennes, aventurier colonial et négrier. D’Argennes fut le plus riche planteur esclavagiste de la Martinique.
Le château de Maintenon (Eure-et-Loir), haut lieu de la mémoire de l’esclavage et de la traite
C’est à partir de ce moment qu’elle porte le nom de Madame de Maintenon. Le château est splendidement aménagé sous le prétexte d’y transférer les bâtards du roi.
Prenant un ascendant croissant sur un monarque vieillissant, Madame de Maintenon a probablement joué un rôle déterminant dans la politique coloniale de cette époque et incité le roi à mettre en chantier le Code noir en 1681.
Affectant une extrême dévoterie, Madame de Maintenon, âgée de près de 48 ans, réussit à se faire épouser secrètement, dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683.
Sous son influence, le Code noir est achevé en 1685 et l’édit de Nantes révoqué, ce qui déclenche la persécution et l’exode des protestants.
Madame de Maintenon fait créer en 1686 à Saint-Cyr-l’École (Yvelines) la maison royale de Saint-Louis, un établissement destiné à l’éducation des jeunes filles nobles et sans ressources.
C’est là qu’elle se retire au moment de la mort du roi en 1715. Elle y meurt quatre ans plus tard.