Zaga Christ (1610-1638)

Zaga Christ (1610-1638)

Au printemps 1635, au temps des Trois Mousquetaires, de la colonisation française de la Guadeloupe, et des pressions exercées sur Louis XIII pour légaliser l’esclavage des Africains aux Antilles (il a du mal a concilier cette mesure avec sa religion) apparaît à la cour – alors en villégiature à Château-Thierry (Aisne) – un personnage surprenant : Zaga Christ, un prince africain, fils de l’empereur d’Éthiopie Arzo, de son vrai nom Lessana Christos.

Suite à un conflit pour la succession – peut-être téléguidé depuis Rome par les Jésuites pour déstabiliser l’Éthiopie –  Zaga Christ a dû s’enfuir en 1627, sauvé de justesse par le tueur à gages italien qui était chargé de le faire disparaître. Il erre pendant cinq ans au Soudan, en Égypte, en Turquie, en Grèce, à Venise, en Palestine, dans l’espoir de trouver de l’aide pour reconquérir son trône. Et il se retrouve finalement à Rome en janvier 1633, où il est reçu le pape, Urbain VIII.

Au cours de ce séjour dans les États pontificaux, une histoire d’amour secrète et passionnée se noue entre le prince africain et une nonne issue de l’aristocratie romaine, Caterina. L’idylle est brusquement interrompue par la décision que prend le pape de renvoyer le prince en Éthiopie sans pour autant l’aider à reconquérir son trône.

Obligé de quitter Rome et sa bien aimée, Zaga Christ, désespéré, s’attarde à Venise, puis à Turin, où Giovana Garzoni, renommée pour ses natures mortes, fait son portrait. Nous sommes au printemps 1635, quelques jours avant l’arrivée de Zaga Christ en France.

Zaga Christ espère que le roi de France l’aidera à reconquérir son trône. Louis XIII se contente de lui accorder quelques subsides. En attendant, le prince est l’objet de toutes les conversations et toutes les dames de qualité, y compris la reine, qui le rencontre, en sont troublées. Richelieu s’intéresse au dossier et reçoit, lui aussi, l’Africain. Puis l’affaire s’enlise.

Pendant son séjour à Paris, bien que Zaga Christ entretienne une correspondance d’un caractère exceptionnel et probablement unique avec sa religieuse (ils écrivent avec leur sang), une nouvelle idylle, tout aussi passionnée, se noue avec l’épouse d’un magistrat parisien. En 1637, ils partent ensemble en direction de Rouen – peut-être avec l’espoir de se sauver en Angleterre – mais ils sont arrêtés et le prince, accusé d’espionnage, d’imposture et d’adultère, est emprisonné au Châtelet.

Zaga Christ refuse avec dédain de répondre aux interrogatoires, et se met à parler italien pour rappeler qu’il est d’ascendance royale étrangère et non pas un vulgaire justiciable comme pourrait l’être un sujet de Sa Majesté Louis XIII.

Après plusieurs mois de détention, Zaga Christ est libéré, sur intervention de Richelieu qui s’est probablement rendu compte de sa méprise et qui l’accueille dans son château de Rueil. Richelieu a peut-être l’arrière pensée de l’utiliser pour développer l’esclavage.

Zaga Christ y meurt peu de temps après, le 22 avril 1638, officiellement d’une pleurésie. Son corps est enterré dans l’église Saint-Pierre Saint-Paul de Rueil.

église de Rueil

D’aucuns ont évoqué un suicide par le poison.

On accusera Zaga Christ, après sa mort, d’avoir été un imposteur, ce qui donnera lieu à une très abondante littérature où l’Africain est traité avec un mépris sarcastique et un racisme qui s’amplifiera avec le développement de l’esclavage, puis de la colonisation.

Le tableau de Giovana Garzoni a été vendu en 1752 à Paris, le catalogue précisant bien qu’il s’agissait du portrait de Zaga Christ. La même oeuvre a refait une apparition dans une vente à Genève en 1989. Mais l’acquéreur ignore probablement l’identité de l’Africain qui y est représenté, les « experts » désignés par la maison Christie’s, loin d’imaginer que des princes africains voyageaient en Europe au XVIIIe siècle,  ayant estimé qu’il s’agissait sans doute d’un « domestique » du duc de Savoie.

Une gravure représentant Zaga Christ en Européen est l’image qui circule généralement, mais le portrait de Giovanna Garzoni ne laisse pas de doute sur les origines de ce personnage aussi extraordinaire que méconnu, ni sur sa beauté tout empreinte de mélancolie.

Remerciements à Serge Aroles.

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